Sans rien attendre en retour
Jeudi 12 septembre, 10h du mat. Montréal. Pavillon Patricia Mckenzie, Mission Old Brewery. C’est ma première clinique avec le Spa de la Rue.
Cela faisait longtemps déjà que leur adresse courriel trainait dans mes papiers. Des années que l’envie était là sans que l’occasion se présente. Des fois, ça prend des années de pensées intermittentes avant que le déclic se fasse. Avant de se retrouver là, un jeudi 12 septembre, devant Gérard, avec son air drôle, bienveillant et goguenard, mais qui mine de rien, en bon capitaine de vaisseau, a l’œil à tout. Avec mes deux collègues de piraterie, Gérald et Christophe, qui ont l’air de connaitre la musique et savent te mettre à l’aise en bons vétérans flibustiers.
Dans la cafétéria, on pousse les tables, on fait de l’espace, on installe les chaises et la table à massage. Tout est prêt. Les cafés sont avalés. Les draps placés. Les serviettes roulées. Les gels à massage prêts à dégainer. La routine du masso, sauf qu’ici, les corps et les âmes sont plus brûlés qu’ailleurs. Les femmes commencent à arriver, la danse peut commencer.
Le partage, l'écoute mutuelle. Sans rien attendre en retour. Surtout n’avoir aucune attente. Les Japonais appellent ça « mushotoku ». Donner sans rien attendre en retour. Ni remerciements, ni bienfaits, ni bonne conscience. On est pas chez les dames patronnesses, mais bien au Spa de la Rue. Il ne s’agirait pas de se tromper de crèmerie. Rien de tel que l’école de la rue pour apprendre à s’adapter à toutes sortes de vécus, à toutes sortes de douleurs.
Au bout de deux heures, on a remballé la table, on a remballé les chaises, rengainé les gels à massage. Jusqu’au mois prochain. Les femmes assises à la cafétéria ont été nombreuses à nous demander quand est-ce qu’on allait revenir. C’est ça qui est beau avec la massothérapie. Elle peut faire tomber les cuirasses comme les préjugés. Les nôtres en premier lieu.
Sophie Baudeuf
Massothérapeute